Par arrêt en date du 13 mars 2014 (1), la Cour d’appel de Paris est venue confirmer la jurisprudence Pierre Fabre condamnant l’interdiction imposée par un fabricant aux membres de son réseau de distribution sélective de vendre les produits de sa marque sur Internet (2). Cet arrêt doit, par ailleurs, être remarqué en ce que les juges du fond ont considérablement diminué l’amende prononcée par l’Autorité de la concurrence dans sa décision du 12 décembre 2012 (3).
La confirmation de la jurisprudence Pierre Fabre. A l’issue de son analyse, la Cour d’appel confirme l’existence d’une entente verticale résultant d’un accord de volontés entre Bang & Olufsen et les membres de son réseau de distribution sélective.
La Cour d’appel considère qu’il ressort d’un ensemble de preuves (contrat européen de distribution, circulaire, courriers, déclarations du représentant légal de la société) que Bang & Olufsen a expressément interdit à ses distributeurs de vendre ses produits sur Internet, lesquels ont tacitement accepté cette interdiction. Selon la Cour, les déclarations de certains distributeurs et « la circonstance qu’aucun des 48 distributeurs du réseau n’ait eu recours à la vente sur Internet » suffit à démontrer l’acquiescement tacite des membres du réseau de distribution sélective.
La pratique étant établie, la Cour a ensuite recherché si celle-ci pouvait être exemptée sur le fondement de l’article 101 §3 TFUE prévoyant quatre conditions cumulatives. Le texte prévoit notamment que la pratique en cause ne doit pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs poursuivis.
Or, la Cour considère que l’Autorité de la concurrence a décidé à juste titre « qu’en interdisant de manière totale et absolue à ses distributeurs agréés de vendre sur Internet, la société Bang & Olufsen France impose des restrictions qui ne sont pas indispensables pour le maintien » d’un réseau de distribution sélective efficient. L’une des conditions prévues par l’article 101 §3 TFUE n’étant pas remplie, la pratique ne saurait être exemptée.
Une réduction conséquente de la sanction. La Cour rappelle qu’avant l’arrêt Pierre Fabre Dermo Cosmétique de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 13 octobre 2011 (4), il n’était pas juridiquement certain que l’interdiction imposée par un fabricant à son réseau de distribution sélective constituait d’une restriction par objet interdite par l’article 101 §1 TFUE.
Ce rappel apparaît logique dans la mesure où, confrontée à cette même question cinq ans plus tôt dans l’affaire Pierre Fabre, la même chambre de la Cour d’appel de Paris avait posé une question préjudicielle à la CJUE pour trancher ce point (5).
Si l’existence de cette insécurité juridique pour les entreprises ne conduit pas la Cour d’appel à remettre en cause l’existence de l’infraction reprochée, cette incertitude justifierait selon elle une réduction de la condamnation.
La Cour d’appel décide donc de fixer la sanction pécuniaire des sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S à la somme de 10 000 euros au lieu et place de l’amende de 900 000 euros, initialement prononcée par l’Autorité de la concurrence.
Naïma Alahyane Rogeon
Anne-Laure Boulard
Lexing Droit Design et Création
(1) CA Paris, 13-3-2014, Ch. 5-7, n°2013/00714, Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S.
(2) CA Paris, 31-1-2013, Ch. 5-7, n°2008/23812, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique.
(3) Aut. Conc., n°12-D-23, 12-12-2012, Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S.
(4) CJUE, 13-10-2011, C-439/09 Pierre Fabre Dermo-Cosmétique.
(5) CA Paris, 29-10-2009, Ch. 5-7, n°2008/23812, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique.