Blogs sponsorisés - Le web et singulièrement les réseaux sociaux, ont donné naissance à une nouvelle catégorie d’internautes : les « blogueurs d’influence ». On reconnaît à ces blogueurs une certaine notoriété, qu’il s’agisse de blogs politiques, philosophiques, de libre pensée, professionnels, etc.
Plus récemment sont nés les blogueurs influent en termes de produits ou services (appréciation de produits, de restaurants, de spectacles, de voyages, etc.).
Un grand nombre de ces blogueurs influents ne sont inféodés à aucune marque et exercent leur talent critique en toute indépendance. Certaines marques font cependant appel à ces blogueurs pour promouvoir leurs produits ou services auprès des internautes à travers des « billets » moins agressifs qu’une publicité traditionnelle et dont on peut même se demander si l’internaute a conscience du caractère publicitaire du billet.
Ces billets revêtent un caractère indubitablement publicitaire ou promotionnel et bien qu’il est souvent dit qu’internet est une zone de non droit, certaines règles doivent être respectées.
Il n’existe pas à proprement parler de référentiel légal ou encore de jurisprudence dédié aux billets ou blogs sponsorisés, mais il existe suffisamment de règles claires pour en définir les contours et exigences juridiques.
Règle 1 : Pas de publicité dissimulée sur internet. L’article 20 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique dispose que « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. L’alinéa précédent s’applique sans préjudice des dispositions réprimant la publicité trompeuse prévues à l’article L. 121-1 du Code de la consommation ».
Règle 2 : Principe de transparence. Ce principe est posé par le Code de la consommation. Comme il est d’ailleurs indiqué à l’article 20 susvisé, le Code de la consommation a vocation à s’appliquer. Or, l’article L121-1-1 énonce une liste de 22 pratiques qui seront considérées comme trompeuses.
Se trouve au 11° dudit article le fait « d’utiliser dans les médias un contenu rédactionnel, financé par le professionnel lui-même, pour faire la promotion d’un produit ou d’un service, sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ».
Se trouve au 21° dudit article le fait « de faussement affirmer ou donner l’impression que le professionnel n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industriel, artisanale ou libérale, ou de se présenter faussement comme un consommateur ».
Le dernier alinéa concluant que l’article est aussi applicable aux pratiques visant les professionnels.
L’article L121-5 prévoit que l’annonceur, pour le compte duquel la publicité est diffusée, est responsable, à titre principal, de l’infraction commise ; mais l’on ne peut écarter la responsabilité du blogueur lui-même dans la chaîne d’information ou de désinformation. Fautif sera donc le blogueur qui niera toute relation d’affaire avec une marque, alors même qu’il est payé par elle ou reçoit des produits/services en retour.
Il est a noté que sont encourues les sanctions prévues à l’article L121-6, renvoyant à l’article L213-1 du Code de la Consommation et prévoyant des peines de 2 ans d’emprisonnements et d’une amende de 300 000 euros en ce qui concerne les personnes physiques. La peine peut être multipliée par 5 en cas de personne morale sachant que sa responsabilité pénale peut aussi être engagée au titre de l’article L213-6 du même Code.
Si aucune décision n’a encore été rendue dans le cas particulier des billets et blogs sponsorisés, certaines, par analogie peuvent être applicables. Ainsi, dans l’affaire ayant opposé le comparateur Kelkoo au magasin Concurrence, il a été jugé que le comparateur aurait du s’identifier clairement comme un comparateur de prix de nature publicitaire en ce que les marques présentes sur le site Kelkoo signaient des contrats de partenariat afin d’afficher sur celui-ci des liens renvoyant vers leurs propres sites (1).
Dans le même sens, la CJUE, le 11 juillet 2013, a rendu cette fois-ci une décision concernant un éditeur de périodique (RLvS Verlagsgesellschaft mbH c/ Stuttgarter Wochenblatt GmbH) (2). Il a été jugé que l’article 5 de la directive 2005/29/CE, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs « impose à tout éditeur de périodique qui perçoit ou demande une rétribution en contrepartie d’une publication commerciale, ou reçoit l’assurance d’une telle rétribution, de désigner clairement cette publication au moyen de la mention « annonce », dans la mesure où sa disposition et sa conception ne permettent pas déjà, de façon générale, de reconnaître sa nature publicitaire, et qui vise non seulement à protéger les consommateurs, mais poursuit également d’autres objectifs ».
Ceci posé, même si il n’existe pas aujourd’hui de corps de règles propres aux billets et blogs sponsorisés, ni de décisions prononcées sur le fondement des lois précitées sur ce sujet, plusieurs entités ont eu l’occasion de se prononcer sur le sujet.
C’est le cas du Conseil National de la Consommation (CNC), qui a rendu, en 2006, un avis relatif à la publicité écrite dans le secteur des communications électroniques, mais aussi de l’Association des Agences-Conseils en Communication (AACC), qui a eu l’occasion de se prononcer sur le sujet.
Ce syndicat professionnel représentant à peu près 80 % de la profession, encourage à plus de transparence et s’engage à n’utiliser les services des blogueurs rémunérés que si ces derniers rendent clairement identifiables l’annonceur pour le compte duquel le billet est réalisé.
La Federal Trade Commission, Agence américaine, a par ailleurs publié un guide de bonne conduite à destination des bloggeurs et plus généralement à destination des réseaux sociaux, aux termes duquel elle demande d’identifier clairement toute connexion matérielle à un annonceur, que ce soit en cas de rémunération en nature ou en espèce.
Eric Barbry
Pauline Binelli-Waintrop
Lexing Droit du numérique
(1) Cass com 29-11-2011 n° 09-13223
(2) CJUE 11-7-2013 aff. C-391/12 Conclusions Avocat Général