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LCEN : régime dérogatoire de responsabilité de l’hébergeur

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responsabilité de l’hébergeurUn avocat a constaté que certains sites internet reprenaient ses nom et prénom et son activité pour renvoyer vers des numéros surtaxés.

Il a alors mis en demeure la société Ovexa, en sa qualité d’hébergeur de certains de ces sites internet, notamment aux visas des articles 143, 808 et 809 du Code de procédure civile, de l’article 1240 du Code civil et de l’article 6 de la LCEN, de supprimer les données le concernant, et de lui communiquer les données d’identification des auteurs des contenus en cause.

N’obtenant pas de réponse de la part de l’hébergeur, l’avocat a assigné en référé l’hébergeur en demandant au Président du Tribunal de grande instance de Paris de :

Condamner la société défenderesse à retirer l’ensemble de ses informations personnelles sur quelque site ou emplacement que ce soit, qu’elle ou ses co-intéressés hébergent ou éditent, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir,

La condamner, sous la même astreinte à communiquer les données d’identification et l’adresse IP de l’hébergeur, de l’éditeur et de l’auteur des contenus du site annuaire.laposte.fr,

La condamner, sous la même astreinte, à bloquer l’accès aux emplacements contenant les informations personnelles le concernant éditées ou hébergées,

La condamner, sous la même astreinte, à communiquer sur support durable, exploitable et fiable, l’intégralité du contenu et de la structure du site et des codes sources du site www.cherchelavocat.com,

La condamner, sous la même astreinte, à communiquer l’ensemble des données relatives à l’hébergeur du site annuaire.laposte.fr,

La condamner, sous la même astreinte, à lui verser, a titre provisionnel, la somme de 20.000 euros,

la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ».

L’ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 18 mai 2018

Parallèlement à cette première assignation, l’avocat avait assigné deux éditeurs de sites internet hébergés par la société Ovexa, pour obtenir des mesures similaires.

Il a demandé la jonction des instances.

Par ordonnance du 18 mai 2018 (1), le Président du Tribunal de grande instance de Paris a dit n’y avoir lieu à jonction et a statué que sur les seules demandes formulées par l’avocat à l’encontre de la société Oxeva.

Classiquement, le juge des référés, relevant la qualité d’hébergeur de la société Ovexa a rappelé que ce dernier était soumis à un régime de responsabilité dérogatoire, prévu par la LCEN et que sa responsabilité ne pouvait être engagée que si, après avoir reçu une notification conforme aux dispositions de l’article 6, I, 5° de cette loi, il n’avait pas promptement supprimé des contenus manifestement illicites. En outre, le juge des référés a rappelé que cette notification ne pouvait être efficace que si le demandeur justifiait n’avoir pu entrer en contact avec l’éditeur du contenu, ou en cas de contact avec ce dernier, n’avoir obtenu de réponse de sa part.

En l’espèce, l’avocat ne démontrait pas :

  • avoir tenté d’entrer en contact avec l’éditeur des sites internet;
  • avoir adressé à l’hébergeur une notification conforme aux conditions posées par l’article 6, I, 5° de la LCEN.

Le Président du Tribunal de grande instance de Paris a débouté l’avocat de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à verser la somme de 3.000 euros au défendeur, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’avocat a relevé appel de l’ordonnance de référé.

Par arrêt du 1er mars 2019 (2), la Cour d’appel de Paris a débouté l’appelant de l’ensemble de ses demandes, confirmant ainsi l’ordonnance de référé, estimant que ni les conditions posées à l’article 809 du Code de procédure civile, ni les conditions posées par l’article 145 du Code de procédure civile n’étaient remplies en l’espèce.

L’absence de démonstration d’un trouble manifestement illicite aux termes de l’article 809 du CPC

La Cour d’appel de Paris rappelle tout d’abord que « l’article 809 du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours même en cas de contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

A cet égard, le juge rappelle que les fiches contenant les données à caractère personnel de l’appelant ont été supprimées et n’étaient plus accessibles au jour où le premier juge a statué. L’existence du trouble manifestement illicite étant de ce fait critiquable, il n’y avait plus lieu à référé.

Mais la Cour a également fait une application des dispositions des article 6, I, 2° et 6, I, 5° de la LCEN et rappelé le régime dérogatoire de responsabilité auquel sont soumis les hébergeurs : « Il résulte du dispositif mis en place que la responsabilité de l’hébergeur ne peut être engagée que lorsque plusieurs conditions cumulatives sont réunies. Le contenu litigieux doit être manifestement illicite, la personne qui souhaite faire retirer le contenu s’adresse à l’auteur ou à l’éditeur du site et sollicite en motivant sa demande de retrait. En cas d’absence de réponse positive, la personne peut s’adresser à l’hébergeur en lui notifiant les démarches accomplies, la copie du courrier adressé à l’éditeur ou à l’auteur en lui fournissant les informations prévues à l’article 6, 1, 5° de la loi LCEN ».

Constatant que le demandeur a fait assigner les sociétés éditrices des contenus postérieurement à son assignation à l’encontre de l’hébergeur et qu’il ne justifie d’aucune notification du contenu illicite conforme aux dispositions de l’article 6, I, 5° de la LCEN, la Cour en déduit que « la preuve n’est pas établie qu’au jour où le premier juge a statué il existait un trouble manifestement illicite, la condition préalable de mise en œuvre de la responsabilité civile de (…) l’hébergeur n ‘est pas remplie ».

La Cour précise également que l’hébergeur du site internet « n’étant pas responsable du traitement des données à caractère personnel, il ne lui incombe pas d‘effectuer une quelconque démarche relative à l’exploitation desdits sites internet, ou à celle des services de mise en relation, type formalités Cnil, éventuel recueil du consentement, informations relatives aux activités de commerce électronique via lesdits sites internet, de sorte que nul trouble manifestement illicite ne peut être recherché de ces chefs. La décision de première instance sera confirmée de ce chef ».

Le rejet des demandes formulées sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile

L’avocat demandait également que lui soient communiqués un certain nombre d’éléments, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, afin de lui permettre de solliciter de l’hébergeur une indemnisation du préjudice subi du fait de la publication de ces fiches contenant ses données à caractère personnel.

La Cour énonce que « l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès « en germe» possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ».

La Cour, ayant jugé que la responsabilité de l’hébergeur ne pouvant être engagée en l’espèce, les conditions posées par l’article 6 de la LCEN n’ayant pas été respectées, en déduit logiquement qu’il ne pouvait être ordonné à son encontre des mesures visant à justifier d’un préjudice subi du fait des agissements de l’hébergeur.

En outre, elle rejette les demandes tendant à la suppression des fiches, ces dernières ayant été supprimées depuis de nombreux mois, et les demandes tendant « à obtenir sous astreinte l’ensemble des impressions écran et des modifications depuis leur création, des pages correspondantes aux deux sites litigieux, le contrat ou les contrats régularisés avec la société Adverline et l’intégralité des éventuels avenants, l’intégralité des conditions générales applicables avec la société Adverline, l’intégralité des conditions spécifiques applicables avec la société Adverline, l’intégralité des numéros de téléphone surtaxés attribués pour les fiches concernant M. X. avec le détail précis de leur date et heure depuis la création des fiches, l’intégralité du contenu et de la structure du site et des codes sources du site www.société.com sur support durable, [qui] sont à l’évidence tout à fait disproportionnées et partant ne sont pas légalement admissibles ».

Chloé Legris-Dupeux
Lexing Pénal numérique et e-réputation

(1) Ord. Réf. TGI Paris, 18-5-2018 RG n°17/58574.
(2) CA Paris, pôle 1, ch.8, 1-3-2019.


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